Un road movie sur les planches qui évoque le saut d’un homme dans le vide. Un plongeon dans l’oubli, ou plutôt dans l’absence. Concertiste de talent il s’interrompt un jour en plein récital et sort de scène. Il quitte le théâtre, traverse la rue et ne s’arrête plus. Commence alors un long voyage. À pied.

Le besoin d’être oublié de tous pour pouvoir étirer le temps à volonté. Avancer vers son destin sans aucune impatience. Chaque pas compte pour ralentir le rythme de la vie. L’homme qui marche invite le spectateur confortablement installé dans son fauteuil à bourlinguer, chapitre après chapitre, au côté de ce violoniste en mutation.

L’itinérance, la marche. Une passion, presque une obsession pour nous. Travaillons la lenteur puis rythmons là. Un kilomètre à pieds, ça use ? La marche a son rythme à elle. Sa cadence, régulière, répétitive, réconfortante de par sa continuité, mais désespérante de solitude, prend une part prédominante dans le style narratif. Sa construction s’appuie sur cet état hypnotique, parfois extatique que procurent ces heures infinies à mettre un pied devant l’autre.

Un tapis roulant motorisé intégré dans la scénographie permet de faire voyager l’acteur comme le spectateur sans le déplacer d’un centimètre. Le faire courir, ralentir, vaciller voire tomber ou revenir en arrière. Cet élément scénographique et narratif devient dès lors un agrès de cirque à part entière, accompagnant jongleries de coussins confortables et autres manipulations de violon glissant.

Un road movie théâtral

Les projections vidéos sont un des axes du spectacle qui scandent le rythme de l’homme qui marche. Créer des décors, procurer des sensations, de chaleur, d’ivresse… ou encore peindre une nuit au claire de lune. Pouvoir dormir à la belle étoile… et partager un cauchemar.

Et puis le luxe d’avoir six musiciens à nos côtés !

Autour de leur chanteur qui se permet d’écrire l’histoire, les Preacher men ont un rôle de fil rouge narratif parallèle. Un choeur, qui regarde et qui commente. Sans se gêner d’apostropher le public ou les comédiens, ils donnent leur point de vue décalé et peut-être pertinent sur les émotions ressenties par ce marcheur et tentent, semblerait-t-il, de démonter pièce par pièce ce que l’on veut nous faire croire.

L’histoire d’un homme

Ils sont deux. En fait trois, sans compter le quatrième. Autour de l’homme qui marche, un témoin. Manipulateur du temps, de l’histoire et du tapis roulant, il endosse les costumes et, retranché dans son mètre carré, s’attèle à suivre un récit qui n’est pas le sien. Du moins le croit-t-il… Et puis il y a ce régisseur, dévoué, factotum de vocation qui range, arrange et dérange ainsi qu’une petite voix, une de celles qui nous disent quoi faire, quoi penser. En l’occurrence elle est ici plutôt rocailleuse et soupe au lait. Un narrateur, à part, projeté sur grand écran et entouré donc par moments de cinq acolytes prêts à tout remettre en musique et en question.

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