Quels sont les impacts des réseaux sociaux sur la santé mentale ? Voilà le point de départ de Mary et Anne, de la compagnie de cirque Hopscotch, pour leur nouvelle création #Click it, qui explore l’utilisation des réseaux sociaux dans la vie quotidienne. Une vaste interrogation qui a été discutée lors d’un débat organisé par le Centre culturel du Brabant wallon, qui posait la question : les réseaux sociaux, un cadeau (toxique) ? Tentative de réponse lors du débat en présence d’experts des réseaux sociaux et de la santé mentale ainsi que d’une influenceuse activiste écologiste.

Alors, toxiques les réseaux sociaux ?

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Le premier constat posé lors de ce débat concerne le temps d’écran. Les adultes sont particulièrement obnubilés par le temps d’écran de leurs enfants alors que la plupart des jeunes réfléchissent plutôt en termes d’interactions. Quand on parle ‘réseaux sociaux’, les mots « toxique », « addiction » ou encore « drogue » y sont souvent associés. « Pourtant la question ne peut pas réellement se poser dans ces termes-là, explique Maxime Résibois du CRéSAM (Centre de Référence en Santé Mentale). Surtout si on l’aborde en termes de santé mentale et de bien-être. » En effet, utiliser la métaphore de la drogue laisse supposer que les écrans ou les réseaux sociaux sont négatifs en soi et qu’ils provoqueraient une dépendance, de laquelle il faudrait se sevrer. Pour Maxime Résibois, c’est bien plus complexe : « Les nombreuses recherches sur les réseaux sociaux ont parfois montré des effets positifs, des effets négatifs ou même pas d’effets du tout sur la santé mentale. Au plus la recherche avance, au plus on se rend compte que la question est complexe et que les réponses le sont tout autant. »

Si les experts présents au débat affirment que le terme « toxique » n’est pas approprié, ils ne nient pas pour autant que les dérives et les souffrances existent bel et bien. Yves Collard, modérateur du débat et expert et formateur en éducation aux médias chez Média Animation, pose toutefois la question autrement : est-ce les réseaux sociaux qui provoquent de la souffrance ou la souffrance qui provoque une utilisation problématique des réseaux sociaux ?

La peur des réseaux sociaux, une question de génération ?

Les dérives liées aux réseaux sociaux font peur. Cyberharcèlement, contenus inappropriés, discours extrêmes… Les (jeunes) utilisateurs des réseaux sociaux sont confrontés à une multitude de risques qui peuvent faire peur. Mais selon les experts, il faut aussi questionner d’où vient cette peur. « Il y a plus d’une réponse à cette question mais l’effet de génération est un élément de réponse. Depuis l’émergence d’une culture jeune dans les années 50-60 (avec le rock par exemple), les nouvelles pratiques, d’abord colonisées par les publics plus jeunes, font peur aux générations plus anciennes car c’est quelque chose qu’elles ne comprennent pas et c’est ce manque de compréhension qui peut provoquer la méfiance ou la crainte », selon Maxime Verbesselt, chargé de projets chez Action Médias Jeunes.

Un encadrement nécessaire

Malgré ces explications, de nombreuses questions légitimes ont émergé lors du débat. « Quelle est la transparence sur les réseaux sociaux ? », « les jeunes sont-ils conscients que ce qu’ils voient sur les réseaux, c’est majoritairement de la publicité ? », « sont-ils conscients que le but intrinsèque de ces plateformes, c’est d’influencer pour consommer ? », « Ont-ils la maturité et le recul nécessaire pour reconnaître le marketing présent sur les réseaux sociaux ? » Durant le débat, les experts ont été unanimes : les jeunes sont moins naïfs que ce que l’on pense. Publicité, vol des données, marketing… Ils sont majoritairement conscients des dérives. Laurie Pazienza, influenceuse-activiste active sur Instagram, précise toutefois : « Pour les influenceurs et les influenceuses, ne pas mentionner la collaboration avec une marque est illégale. Mais les réseaux sociaux n’ont pas le monopole de la publicité. On en trouve partout. Bien sûr, il faut de la maturité pour la décrypter et c’est aussi le rôle des parents d’encadrer la frustration que ça peut générer. » Maxime Verbesselt poursuit : « Le premier conseil que l’on peut donner aux parents d’un jeune qui se lance sur les réseaux sociaux, c’est de l’accompagner. Il faut poser un cadre sur l’utilisation des écrans pour mener vers une phase d’autonomie de l’adolescent. Mais ce cadre doit se construire en fonction de la culture et des valeurs familiales. C’est parfois compliqué à gérer mais c’est fondamental. »

Pratique légitime vs. usage problématique

Est-on ‘addict’ aux écrans ?

Certains écrans ou certains contenus sont-ils plus légitimes que d’autres ? Un adulte qui passe sa journée devant un écran d’ordinateur au travail puis qui passe sa soirée devant la télévision, est-ce plus légitime qu’un jeune qui passe du temps sur les réseaux sociaux ? Peut-on réellement affirmer que les adultes sont moins “accros aux écrans” que les jeunes ? « D’un point de vue sociétal, nous sommes tous dépendant de nos outils, explique Maxime Verbesselt. Jeunes ou moins jeunes… Tout le monde passe du temps devant les écrans mais les adultes ont tendance à dévaloriser les pratiques qu’ils ne trouvent pas légitimes. Par exemple, je me souviens que mes parents ne voulaient pas que je regarde les Simpsons parce que c’était l’heure du souper mais que pendant la Coupe du monde, quand mon père voulait regarder le foot, ça ne posait pas de problème. Ce qui est certain c’est que chaque famille doit discuter afin de décider quelles pratiques font sens par rapport à ses valeurs. »

Des algorithmes qui posent question

Ce n’est pas un secret, les algorithmes derrière les réseaux sociaux sont conçus pour montrer aux gens ce qu’ils veulent voir. Maxime Résibois explique : « Souvent, l’être humain n’aime pas lire ou entendre des informations qui vont à l’encontre de ses croyances. Les algorithmes sont faits pour nous faire rester le plus longtemps sur la plateforme, en se basant sur notre utilisation de celle-ci. » Ces algorithmes provoquent de nombreuses questions chez les parents mais pas seulement : « Quand on est sur Instagram, on voit énormément de contenus mais qui est influencé par l’algorithme, intervient un jeune adolescent présent au débat. Les utilisateurs ne peuvent pas réellement choisir toutes les informations qu’ils voient. L’application montre toujours la même chose et ce n’est pas un réel choix. » Ces algorithmes donnent l’impression qu’on est contrôlé par nos smartphones. Et, dans un sens, c’est vrai car les réseaux sociaux sont évidemment développés pour inciter l’utilisateur·rice à y passer le plus de temps possible. Mais il ne faut pas sous-estimer l’importance du libre-arbitre et de l’évolution des pratiques. Les jeunes n’utilisent pas les mêmes plateformes qu’il y a 10 ans et ne les utilisent pas non plus de la même manière qu’il y a 10 ans. Un jeune témoignait d’ailleurs de sa « solution » pour éviter cela : ne regarder que le contenu des comptes auxquelles il est abonné.

La sensibilisation, à tout âge

Si les dérives liées aux réseaux sociaux ne sont pas à négliger et que de nouveaux risques sont apparus ou ont été amplifiés par ces plateformes, il ne faut pas oublier le positif qu’elles peuvent aussi apporter : l’accès à l’information, une visibilité accrue de nouvelles tendances (body positivisme, féminisme…) ou encore l’éveil des consciences face à des enjeux sociétaux fondamentaux (écologie, racisme, inclusivité…).

Qu’on soit pour ou contre, qu’on soit jeune ou vieux, femme ou homme… L’important finalement est de comprendre comment fonctionnent les réseaux sociaux et comment les apprivoiser pour permettre une utilisation responsable. Et, comme souvent, cela passe par la sensibilisation. Auprès des jeunes, mais également auprès de leurs parents !

Ce débat nous a montré que les réseaux sociaux, quels qu’ils soient, amplifient les bienfaits mais aussi les difficultés liées à notre société, au sein de laquelle la (sur)consommation occupe une place prépondérante. Ces plateformes sont un nouvel outil d’accès à l’information pour le grand public, mais également un outil de promotion pour les grandes marques. Outre la question de la toxicité, cet échange a mis en lumière la complexité de débattre des réseaux sociaux et de la place du numérique dans notre société mais aussi les divergences de points de vue sur la manière de faire société.

 

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